lundi 28 juillet 2014

Le débat scientifique du 12 juin 2012 à Sherbrooke

Document R-2 - Le débat scientifique du 12 juin 2012 à Sherbrooke -

30 juin 2012, à 09:04
Document R-2 en réponse à "Debunking Durand"  sur le site de l'afspg
- Le débat "scientifique du 12 juin à Sherbrooke -

Je crois utile de fournir des précisions quant au premier débat scientifique opposant le point de vue d'un expert indépendant à deux personnes de l'industrie des gaz de schiste, car il y a un lien direct entre le débat et les documents "Debunking Durand". Suite à un exposé fait devant des députés à Québec en février dernier où il était présent, le député Étienne-Alexis Boucher m'a proposé de participer à un débat scientifique qu'il voulait organiser moi et des experts défendant la position de l'industrie. J'ai immédiatement donné mon accord en février dernier. J'ai été informé quelques mois plus tard que MM Michael Binnion de Questerre Corp. de Calgary et Mario Lévesque, propriétaire de Séismotion et président de l'Association Québécoise des Fournisseurs des Services Pétroliers et Gaziers interviendraient pour présenter le point de vue de l'industrie dans ce débat scientifique. Je m'attendais  plutôt à être confronté à l'ingénieur-géologue Jean-Yves Chatelier géologue responsable du projet chez Talisman Energy. MM Binnion et Lévesque, ne sont ni ingénieurs, ni géologues, ni des scientifiques, mais simplement des promoteurs de l'industrie. 

Le débat s'est tenu le 12 juin 2012 à Sherbrooke devant une assistance de plus de cent personnes. Il était organisé conjointement par le député E-A Boucher et Madame Marie-Christine Alarie de l'organisme Cocktails Verts. Deux présentations initiales limitées à quinze minutes ont été suivies d'échanges entre les trois experts; ensuite ce fut la période de questions du public. Bien qu'elle ait été favorisée par le tirage au sort de l'ordre des présentations, je crois réaliste de dire que l'industrie n'avait pas vraiment sur place des arguments bien étoffés en réponse à ma présentation. Ses deux représentants étaient mal préparés à un débat scientifique je crois bien, car ils se sont limités à un laïus promotionnel axé sur les hypothétiques retombées économiques. À une question venant du public sur la perte de valeur des propriétés avoisinant les puits, torchères et gazoducs, M. Binnion a choisi de répondre dans un très laborieux exposé que cela faisait plutôt augmenter la valeur des propriétés; je pense cependant qu’il n’a pas convaincu personne dans l'auditoire; on a entendu plutôt des protestations.

M. Binnion n'a pas pu répondre non plus à mes questions sur les raisons qui l’avaient amené à soumettre au Ministère des Ressources Naturelles et de la Faune (MRNF) un rapport de forage bien incomplet, ne décrivant que les douze premiers jours de travaux pour le seul puits identifié Questerre parmi la liste du MRNF des 18 puits fracturés. Il a confirmé que ce puits est bel et bien un puits vertical. Il est profond de 422m et il est fracturé dans des horizons entre 300 et 400m. Je lui ai souligné que c'était extrêmement inquiétant d'effectuer de la fracturation hydraulique si près du bas de la nappe phréatique, à moins de 200m. J'ai aussi demandé si cette fracturation avait été auscultée et contrôlée par détection microsismique, car rien dans le rapport déposé ne fournit de précisions sur cela. M. Binnion a répondu qu'il n'y avait pas eu de monitoring de ce type. Mais pourquoi, ajouta-t-il, parler de ce puits puisqu'il ne sera pas exploité ayant été évalué finalement non rentable. Les puits non exploitables n'intéressent manifestement pas le pdg de Questerre Energy Corp. Moi par contre ils m'inquiètent beaucoup, comme ils doivent inquiéter tous ceux qui vivent à proximité d'un puits avec fracturation artificielle du shale, surtout quand c'est fait sans monitoring et à moins de 200m du bas de la nappe phréatique.

André Boisclair a été engagé comme conseiller spécial en relations publiques par Michael Binnion. Il a assisté  à cette soirée qui lui a fort déplu car le débat a été désastreux pour l'image de l'industrie. Je constate que les documents "Debunking Durand" ont été émis dix jours après ce débat et qu'il y a un rapport direct avec les résultats de cette soirée. Le débat impliquait trois personnes: Marc Durand, Michael Binnion et Mario Lévesque. Les documents produits dix jours après impliquent nommément MM Durand et Lévesque; c'est sur le site Web de ce dernier que le document a été publié. Ces textes ne portent pas de signature, mais leur contenu reflète assez fidèlement les propos que m'a tenus M. Binnion en continuant de discuter avec lui après la soirée, ainsi qu'à une autre occasion en décembre 2011; j'avais pu alors discuter près de 30 minutes avec M. Binnion lors d'une rencontre à Québec. Si j'ajoute ce que M. Binnion a écrit sur son blogue antérieurement, je constate que ses propos et arguments sont tous contenus dans les textes "Debunking Durand", français et anglais.

À la toute fin du débat le 12 juin à Sherbrooke, comme c'est de mise, je suis allé serrer la main à mes deux interlocuteurs pour les remercier de leur participation à cette soirée qui certes nous opposait, mais qui s'est déroulée malgré tout fort civilement. À Mario Lévesque, j'ai exprimé le souhait que les échanges puissent se poursuivre avec des opposants de l'industrie dans le meilleur climat de discussion. M. Lévesque m'a assuré prôner lui-même la transparence, et que c'était là une bonne pratique pour gagner la confiance de la population.

À vrai dire, j'avais craint la possibilité d'un dérapage dans ce débat à cause d'un incident survenu le matin même. Quelques heures avant le débat, les organisateurs m'ont appelé un peu perplexes et inquiets d'un courriel qui leur avait été adressé la veille les enjoignant pour ainsi dire d'évacuer du débat toute discussion d'ordre géologique !  Ce courriel envoyé par un cadre de l'Ordre des Géologues du Québec (OGQ) précisait qu'aucun des intervenants dans cette soirée n'était membre de l'Ordre et qu'en conséquence personne n'était "légalement" autorisé à donner un avis d'ordre géologique et que les organisateurs devaient veiller à ce qu'il en soit ainsi. Ce courriel était adressé en copie conforme aux deux intervenants de l'industrie, mais pas à moi. Une manœuvre assez grossière de la part de cette personne à l'OIQ que je connais bien car il avait déjà auparavant tenté de limiter l'expression de mes analyses critiques sur l'industrie. Cette intervention ne m'a ni surpris*, ni inquiété, car à titre d'ingénieur-géologue j'ai pleine compétence pour analyser et donner un avis sur ces questions géologiques. Mais je craignais que soit M. Binnion, soit M. Lévesque ne sortent cette carte glissée gracieusement dans leur manche. J'appréhendais qu'ils disent ainsi pendant le débat que je n'avais pas d'autorisation et/ou de compétence pour parler de géologie. J'aurais évidemment répondu à cela en expliquant comment les champs de pratique communs sont encadrés par les lois respectives de l'OGQ et de l'Ordre des Ingénieurs et ne limitent en rien le droit de parole des membres des deux ordres; mais la discussion aurait alors quitté le domaine scientifique pour glisser sur des considérations relatives aux individus. C'est entre autres pour avoir eu cette retenue que je remerciais M. Lévesque en fin de soirée.

Dix jours plus tard, sans ma présence et devant les médias, M. Mario Lévesque sort ce lapin de sa poche et expose que je ne serais pas compétent en géologie: "M. Durand n'est pas et n'a jamais été membre en règle de l'Ordre des géologues » a déclaré M. Mario Lévesque, dans le communiqué de presse du 21 juin annonçant la publication de"Debunking Durand".  J'ai répondu à cette charge mal fondée dans le document R-1, et je déplore ici l'emploi d'un tel procédé. Avoir attendu d'être seul devant les médias pour sortir ce coup bas, n'est ni élégant, ni fortuit, car cela apparait plutôt assimilable à une opération de dénigrement, tout le contraire de véritables échanges de points de vue entre experts en sciences et en technologie.

Il est tout à fait dans l'ordre des choses pour deux personnes participant à un débat scientifique, de scruter les textes de la partie adverse, de préparer des arguments pour les contrer et d'y consacrer beaucoup de temps et d'énergie, mais cela dans ce cas-ci a été fait APRÈS la fin du débat !  Les  deux promoteurs de l'industrie étaient peut-être mal préparés à confronter mes analyses pour la soirée du 12 juin 2012. Dans une tentative après coup, ils semblent tenter de combler leurs lacunes dans la soirée du débat en sortant ces textes maintenant.

Mais un débat, cela se déroule avec des règles bien établies: temps de parole égal**, possibilité de répondre et de contre-argumenter pour les deux parties face à face devant public. Toute l'argumentation qu'on avance dans "Debunking Durand" aurait pu servir à mieux alimenter la discussion du 12 juin 2012 et cela aurait pu être très intéressant et constructif comme échange. J'aurais été là pour donner la réplique, point par points, à leurs énoncés. Je vais donc le faire maintenant dans les textes qui suivent( R3 à R8 incl.).

Marc Durand, Doct-ing en géologie appliquée

* Pas surpris, car j'avais déjà subi de la part de cette personne une tentative semblable pour atténuer la portée de mon questionnement critique de l'industrie gazière. Il est malheureux néanmoins que cette personne utilise ainsi son poste à l'Ordre des Géologues du Québec, car le public pourrait alors penser que cet Ordre professionnel tout entier qui opte pour la position des gazières.

** Dans ce cas-ci, le débat se faisait à deux contre un, mais je ne m'en suis jamais formalisé, car j'avais demandé que la règle temps égal s'applique aux deux côtés: pour et contre.

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