lundi 28 juillet 2014

Le pourcentage de gaz exploitable commercialement

Document R-6 - Le pourcentage de gaz exploitable commercialement -

Remarque préliminaire : ce document, tout comme les cinq autres suivants (R-4, 5, 6, 7 et 8), est écrit pour apporter une réponse à un texte nommé "Debunking Durand", ainsi qu’à sa version en français. Nous voulons ici reprendre et compléter certaines explications techniques et scientifiques, qui sont dénaturées ou erronées dans les documents "Debunking Durand" (réf.1).
Le problème essentiel dans cette nouvelle industrie, qui vise à exploiter commercialement les hydrocarbures contenus de façon diffuse dans des roches de type shale qu’on désigne par le terme de roche mère, c’est la difficulté de les extraire de façon correcte. La fracturation artificielle permet aux hydrocarbures de migrer vers les nouvelles fractures qui viennent d’être créées. Dans les temps géologiques passés, les gisements conventionnels ont été formés quand des fractures naturelles ont permis aux hydrocarbures de migrer lentement vers des zones poreuses et perméables qui constituent les gisements classiques. Ce sont des concentrations naturelles de gaz et/ou de pétrole qui ont eu des centaines de milliers, voire des millions d’années pour constituer ces gisements.

Comme les roches sont perméables et poreuses dans les gisements conventionnels, on peut extraire une bonne portion du gaz; 95% selon l’Office National de l’Énergie (réf.1). Dans le cas du gaz de schiste, les courbes de production déclinent de façon exponentielle (fig.1 et 2). Comme aucun puits ne sera maintenu en activité pour une durée de dizaines de milliers d’années car la production cesse d’être rentable bien avant, ce n’est qu’environ 20% du méthane qui est exploitable commercialement (réf.1, p.15).





















Figure 1. Courbe de production dans le shale Marcellus (réf. 3, Johnson, 2011).









Les estimés très optimistes de récupération, présentés par l’industrie ont tous été revus à la baisse par l'US Geological Survey (USGS). Les auteurs de la référence 1 citent des valeurs tirées de documents promotionnels de l’industrie et ces valeurs n’ont aucune signification prises hors de leur contexte. Elles ont été établies dans une bulle spéculative qui est fortement remise en question (réf. 5). L’estimé de l’Office National de l’Énergie est réaliste, indépendant et prudent; il établit à 20% la tranche récupérable durant les années où le débit est économiquement exploitable (réf. 2). Cette valeur est dans la même fourchette que celle des évaluations indépendantes aux USA (15 à 20%). Évidemment ces valeurs sont des estimés généraux; localement de puits en puits, les valeurs réelles pourront varier un peu, mais la moyenne de 20% demeure la meilleure valeur appliquable à ce qui sera extrait économiquement.

Les conséquences pratiques de cette exploitation incomplète du méthane sont résumées dans la figure 3 ci-dessous. Elle reprend en une seule image tout le contenu des documents que les auteurs de « Debunking Durand » (réf.1) critiquent.

La fracturation enclenche un processus géologique : la migration du méthane vers les nouvelles fractures qui est illustrée dans le diagramme translucide dans la partie en bas et à droite de la figure 3. Cette migration est très rapide initialement, mais elle décroît de façon exponentielle. Cela se reflète dans les courbes de production des puits (figures 1 et 2 et diagramme semi-log dans la figure 3). La fin de l’exploitation commerciale (flèche rouge) intervient bien avant la fin du processus géologique. Le puits est alors bouché, abandonné et retourne à la propriété de l’État, selon la loi des mines toujours en vigueur.

À gauche et en rouge sur la figure 3, nous avons indiqué quelques questions pour lesquelles on ne trouve aucune étude ou réponse valable de la part de l’industrie. À celles-là nous pouvons ajouter une autre question :  quelle part du méthane qui existe encore dans le shale fracturé trouvera un chemin vers la surface quand le puits abandonné sera corrodé et aura perdu sa capacité de résister à la remise en pression du gaz? Il y en a encore quatre fois plus dans le shale modifié que ce qui aura été exploité.
Figure 3. Diagramme qui expose les diverses implications du fait de ne pouvoir extraire commercialement qu’une petite partie du méthane dans le shale nouvellement fracturé. N.B. Cette figure est animée à ce lien : Figure 3 animée.

Dans le cas du pétrole de schiste (en cours au Dakota Nord, et envisagé pour le shale Macasty à Anticosti), la portion exploitable est de l’ordre de 1 à 3% seulement. Le pétrole migre encore moins bien et plus lentement à partir de la roche mère qui le contient vers les fractures ouvertes par les opérations de fracturation hydraulique.

La ruée vers l’exploitation du gaz et pétrole de schiste est malgré tout une source potentielle de profits, même avec un très faible rendement et une capacité technologique rudimentaire en ce qui a trait à la récupération des hydrocarbures commercialement, car les conditions réglementaires qui encadrent cette industrie ont été pensées en fonction de gisements conventionnels. L’application d’une nouvelle technologie dans un cadre de règles désuètes, crée une opportunité d'affaire pour ceux qui n'y voient que le profit immédiat à court terme.

Le coût des permis, les règles régissant l’abandon des puits, leur transfert à l’état en fin de vie commerciale et bien d’autres facteurs qui n’ont toujours pas été adaptés aux conséquences de cet écrémage d’une ressource en sont quelques exemples les plus flagrants. Les coûts sociaux ne sont pas pris en compte, encore moins les coûts environnementaux pour lesquels on a encore pas vraiment entrepris de les évaluer pour le moyen et le long terme.

Il s’agit pourtant d’une ressource non renouvelable, livrée sans aucune analyse aux premiers arrivés, premiers servis. On ne donnerait certes pas des droits de coupe forestière à des promoteurs d’une nouvelle technique de coupe à blanc avec récupération de 20% du bois… car nous ne sommes plus en 1920!  Mais dans l'industrie des ressources des shales, nous y sommes toujours…

Marc Durand, Doct-ing en géologie appliquée, juillet 2012.

Références :
1- Anonyme 2012. Debunking Durand / Démystification des propos de Monsieur Marc Durand,  ogsaq / afspg, 7 et 8 p.

2- Office National de l’Énergie, Nov. 2009,  L’ABC du gaz de schistes au Canada 23 p.

3- Johnson D W. 2011. Marcellus Shale Gas présentation Enerplus Corp.

4- Marcil et al. 2011. Shale Gas in Quebec’s Sedimentary Basins   September 25-29, 2010 Adapted from oral presentation at AAPG Eastern Section Meeting, Kalamazoo, Michigan,

5- Anthony, June 2012. ? Can Shale Gas Ever Be Profitable

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