samedi 16 mai 2015

L'ÉES Anticosti - l'ÉES Hydrocarbures - les 64 études annoncées

Note préliminaire: ceci est présenté aussi dans la conférence du 3 juin 2015: Évaluation Environnementale Stratégique - Anticosti


Une évaluation ÉES spécifique sur Anticosti, une campagne de forages sur le terrain en deux phases, des déclarations et même des débats entre politiciens d’un même parti comment se retrouver dans ce qui circule sur l’hypothétique gisement de pétrole d’Anticosti. Qu'en est-il des autres projets pétroliers dans le Golfe même du St-Laurent. Nous analysons ici des paramètres géologiques, géotechniques, économiques et réglementaires du développement pétrolier envisagé à Anticosti, ainsi que des éléments présents et ceux manquants dans l'ÉES Hydrocarbures qui doit se conclure en même temps que l'autre à l'automne 2015, dans quelques mois à peine.

Pour Anticosti, trois facteurs rendent cet hypothétique gisement a priori  non exploitable (profondeur problématique pour y appliquer de la fracturation, présence importante de gaz associé dont les promoteurs ne disent mot et coût des forages estimés à 12000 puits requis (à 10M$/puits) pour l'ensemble du gisement sous permis, sans compter les coûts totalement négligés des externalités, les coûts environnementaux, etc. Le problème qui explique sans doute le désintérêt complet des autres acteurs pétroliers majeurs dans ce pseudo gisement est que des 40 milliards de barils potentiellement présents pour tout le volume du gisement sous permis, réside dans le fait qu'environ 1% ou 1,2% de ce pétrole emprisonné dans le shale pourrait être extrait; 1,2% c'est le taux de récupération réel au Bakken du Dakota. L'appliquer à Anticosti, cela donne 500 millions de barils; en supposant un prix optimiste de 100$/bbl, on obtient une valeur brute de 50 milliard$; mais il faut 12000 puits à 10 millions de dollars/puits, c'est-à-dire 120G$ (120 milliards) de dépenses: un déficit au départ de 70 milliard de dollars, beaucoup plus encore avec un prix sous les 100$. Des perspectives déprimantes qui rendent depuis toujours cet hypothétique gisement non économiquement viable. Nous avons présenté en détails cette analyse dans la lettre ouverte à l'ÉES. De plus, même avec une augmentation de prix, la rentabilité future resterait inatteignable.

Le gouvernement se lance tête baissée de deux façons: un investissement important (57M$) comme partenaire dans les forages et en même temps deux ÉES (Évaluations Environnementale Stratégiques) au coût total de 4M$.

ÉES-Anticosti qui initialement devait être coordonnée avec les phases 1 et 2 du programme de forages d’Hydrocarbures Anticosti. Le retard de la phase 1 (six forages au lieu de 18, complétés à ce jour) implique que le consortium ne prévoit réaliser la phase 2 qu’à l’été 2016, six mois après que l’ÉES aura rendu ses propres conclusions à l'automne 2015, dont celle sur la rentabilité de l'exploitation envisagée.

ÉES Hydrocarbures pour l'ensemble des questions touchant l'exploration/exploitation des gisements conventionnels et non conventionnels, sur la terre ferme et en fond de mer, le transport maritime, par train, par pipeline, etc. 

Les deux ÉES ont exactement le même comité et la même liste d'aviseurs; Les huit membres du comité sont exclusivement des sous-ministres du gouvernement.  Des 64 études (liste au bas) annoncées pour ces deux ÉES, 29 portent, ou ont un volet, sur Anticosti; 20 des 29 études seront faites à l’interne (MERN, MDDELCC surtout) et neuf sont données à l’externe. Toutes doivent être complétées dans des délais très courts (ex. fin juin pour étude sur les pipelines requis sur Anticosti) et le rapport de synthèse et les conclusions sont prévues pour l’automne. On peut craindre que les vingt « études » rédigés à l’interne se présentent  comme ce fut le cas pour l’ÉES-Gaz De Schiste (https://youtu.be/FHo8lku0AmE) comme des textes de quelques pages relatant tantôt des procédures et autres contenus très légers, tantôt des inventaires ou des compilations bibliographiques; faire de la recherche sur le terrain à Anticosti prendrait normalement du temps, des budgets et des experts indépendants, ce qui n'est manifestement pas le cas dans les études annoncées.

L'aspect le plus problématique, outre l'arrimage des échéances, c'est l'absence complète des éléments les plus cruciaux que devraient comporter les ÉES. Dans les 64 projets d'études, on y traite beaucoup des besoins de l'industrie, par exemple les routes à construire, les pipelines requis sur l'Île pour raccorder les puits, les installations pour l'exportation du pétrole hors de l'Île, les besoins en eau pour les forages et la fracturation, etc. Le descriptif de ces études se rapporte beaucoup plus à des propositions d'affaires que l'industrie devrait préparer à ses frais qu'à des études à faire pour une ÉES.

Les problèmes qui inquiètent le commun des mortels se rapportent à la fracturation hydraulique, à la contamination des nappes phréatiques lesquelles alimentent ensuite les cours d'eau et tout l'écosystème. Aucune des 64 études n'étudie les nappes d’eaux souterraine, aucune étude pour leur cartographie, l'étude de leur profondeur ni la caractérisation de l’état initial (ex. présence naturelle de méthane, salinité locale, etc.), rien du tout.

Rien sur les normes pour la fracturation, la distance verticale, aucune remise en question de la norme de 400m déjà adoptée dans le RPEP, mais dénoncée dans le rapport final du BAPE GDS (voir p. 149).

Rien sur les risques environnementaux, fracturation, fuites des puits (fuites des puits d’exploration existants), l'analyse des impacts des fuites des futurs puits pour l'eau souterraine et l'atmosphère.

Rien sur les risques technologiques. C’était faible, mais quand même présent dans l’ÉES Gaz De Schiste en 2012; cela n'a pas donné grand chose car c’était supervisé par la représentante de l'industrie (Talisman Energy Inc.) à cet ancien comité ÉES

Rien sur le torchage du gaz à l’étape de l’exploration, puis à l’étape de la production éventuelle, rien sur la composition des rejets dans l'atmosphère résultant du brûlage.

Beaucoup d’études par le gouvernement portent sur les besoins de l’industrie (besoins en eau, routes, pipelines, etc.) mais où sont les études des impacts de ces infrastructures?

En date de mai 2015, l'ÉES a fait un seul appel d'offre de 100000$ à 125000$ pour l'étude sur les pipelines et infrastructures requis; or le contrat conclu monte à 210820$, ce qui double la dépense pour cette seule étude, accordée à une firme industrielle externe. Ce n'est pas une étude qui devrait relever d'une ÉES, car c'est plutôt une proposition de développement industriel (implantation de pipelines à Anticosti, etc). Normalement c'est l'industrie qui défraie ce type d'analyse qui mène éventuellement à des contrats de réalisation qu'obtiennent ce même type de firmes. Or on est très tôt dans un processus d'exploration et on ne sait même pas s'il y a du pétrole commercialement exploitable. Le gouvernement détourne les fonds précieux d'une étude environnementale vers de la préparation de proposition de développement industriel; c'est tout-à fait incongru. Il y a une autre chose à mentionner à propos de cette étude externe, la seule encore à avoir été accordée: l'étude doit être complétée et le rapport final remis d'ici la fin juin. Le gouvernement doit fournir avant un scénario d'implantation des puits d'exploitation à la firme WSP Canada Inc pour qu'elle puisse faire son étude. On devrait donc (c'est urgent!) la publication d'un scénario de développement d'ici quelques jours.

La« rentabilité » les avantages de l'exploitation d'Anticosti seront étudiés par le même groupe au gouvernement dans un rapport à compléter d'ici l'automne. Si on attend même pas la fin de la phase 2 de l'exploration, est-ce que les dés sont pipés d'avance et que ces 64 études qui vont être faites à la va-vite ne sont de la poudre aux yeux? Le grand nombre d'erreurs factuelles et les lacunes flagrantes dans le document de synthèse du gouvernement n'annoncent rien de bon quant au contenu final.


Liste des études publiées ou pour lesquelles un contrat a été accordé  - classé par date et à jour en date du 14 juin 2015:
#56- Contrat "pipelines" accordé à  WSP Inc pour 210820$, le 29 avril 2015
#11- Les scénarios pour Anticosti ont été complétés en mai 2015
#34- Contrat "projet-type"accordé à WSP Inc pour 49543$, le 7 mai 2015
  … aucune autre étude/contrat signé n'apparait sur le site SEAO du gouvernement
#12- accordé à KPMG pour 59220$ "Besoins potentiels de main-d'oeuvre - développement d'une industrie d'exploitation des hydrocarbures"

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