vendredi 16 septembre 2016

Rencontre à Drummondville 17 septembre 2016 avec les élus municipaux

Pour réagir à la loi 106 et aux diverses dispositions intolérables contenues dans certains règlements qui vont définir son application, les élus municipaux et le collectif scientifique qui leur fournit des avis techniques se sont réunis pour un colloque à Drummondville.

Voici en vidéo (13:35 minutes) la présentation que je fait sur la  fracturation hydraulique du cas Anticosti (la fracturation inutile) et du cas Utica (le leg de 18 puits fracturés).

mercredi 14 septembre 2016

“Nul n’est prophète en son pays” - mais il y a bien d’autres pays heureusement

Mon activité dans le dossier des gaz de schiste me permet de garder un bon contact avec la France. J’avais été invité en février 2012 à titre d’expert à un colloque à Paris. En octobre 2013 ce fut une invitation comme participant pour un débat scientifique à St-Cyr-sur-Morin. Lors de ce même voyage, j’ai aussi pu présenter au comité mixte Sénat/Assemblée Nationale (photo ci-dessous) un exposé de plus d’une heure sur les risques technologiques de la fracturation hydraulique.

En juin 2016, on m’a de nouveau invité pour un séminaire pour les élus du Sud-Ouest à Montpellier cette fois-ci. Finalement cette semaine, j’ai piloté une tournée de puits pour une délégation de quatre députés de la France en visite technique au Québec. À cette occasion, la délégation m’a remis la médaille de l’Assemblée Nationale, en raison de mon apport aux connaissances scientifiques au dossier. Je suis très heureux de cette reconnaissance de mon travail de recherche bénévole, lequel occupe passablement de mon temps depuis 2010.





















J'ai eu également des demandes de la part d'organismes en Suisse, en Pologne et en Algérie, ce qui a donné lieu à des échanges directs très intéressants par téléconférence. C'est sans compter en plus les milliers de visiteurs sur mon site WEB qui chaque semaine m'apporte la conviction de faire oeuvre utile, pour informer et soutenir des regroupements avides d'information de qualité sur le dossier très technique de la fracturation hydraulique.


C’est fort différent au Québec où le gouvernement s’est plutôt rangé depuis 2008 dans le camp des promoteurs de la fracturation hydraulique; il vient même de déposer un projet de loi (loi 106 sur les hydrocarbures) qui va permettre officiellement l’emploi de cette technique fort controversée. Mes mémoires, conférences et entrevues dans les médias ont à chaque occasion dénoncé ces orientations du gouvernement, tout comme les lacunes et les biais dans des rapports techniques produits par ses ministères et publiés par les diverses commissions d’études (BAPE, ÉES) qu’il a instaurées. Il semble bien que mes dénonciations publiques n’ont pas été appréciées dans les ministères concernés à Québec. 


Nul n’est prophète en son pays d’après le dicton populaire; c’est encore plus vrai quand cela dérange la tranquille concordance de points de vue entre les promoteurs et certains hauts fonctionnaires au gouvernement du Québec.

jeudi 1 septembre 2016

Les distances séparatrices prévues dans le projet de Règlement sur le pétrole, le gaz naturel et les réservoirs souterrains

Pour ce billet de septembre, j'ai le bonheur de vous soumettre un texte écrit conjointement avec Richard Langelier, sociologue et juriste. L'analyse du projet de loi sur les hydrocarbures que j'ai amorcé dans mon billet de juillet et que j'ai poursuivi dans mon billet du premier août avec les aspects réglementaires, se poursuit donc à nouveau ce mois-ci. Nous allons traiter plus spécifiquement des distances séparatrices prévues dans la loi et ses textes de règlements qui l'accompagnent.

Les distances séparatrices prévues dans le projet de Règlement sur le pétrole, le gaz naturel et les réservoirs souterrains : Enjeux pour les citoyens et les municipalités 


Marc Durand, ingénieur et géologue
Richard E. Langelier, juriste et sociologue

      I.              Ouverture

Le gouvernement a récemment déposé un projet de règlement appelé, avec l’adoption éventuelle du projet de loi 106 et de la Loi sur les hydrocarbures contenue dans ce projet de loi, à s’arrimer avec cette loi dont il constituerait un règlement d’application.

En procédant ainsi, le gouvernement tente sans doute de rassurer les parlementaires qui pourraient hésiter à adopter un projet de loi qui confie au seul gouvernement, à une centaine d’occasions, le soin de fixer des éléments pourtant essentiels du projet d’exploitation gazière et pétrolière au Québec.
Mais il faut savoir que cette publication n’apporte aucune sécurité réelle aux représentants élus de la population dans la mesure où il n’existe aucune assurance ou garantie que le décret qui édictera éventuellement ce règlement reprendra exactement le projet publié récemment, d’une part, et que, d’autre part, rien n’interdirait au gouvernement de modifier ultérieurement ce règlement, puisque l’adoption des règlements constitue une prérogative du Conseil des ministres et non des parlementaires.

Ce projet de règlement comporte des dispositions sur les distances séparatrices. Ces distances ne visent pas à protéger les sources d’eau potable, puisque les distances séparatrices entre les sources d’eau potable et les installations des sociétés gazières et pétrolières ont déjà été fixées par le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection. Avec d’autres scientifiques, nous avons déjà expliqué les insuffisances et l’inadéquation de ces normes qui limitent à 500 mètres de la tête de puits des forages ou à 400 mètres sous la base de l’aquifère la zone de protection desdites sources d’eau potable (voir Marc Brullemans, Marc Durand, Richard E. Langelier, Céline Marier et Chantal Savaria, Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection où comment sacrifier l’eau potable pour quelques gouttes de pétrole, Janvier 2016, 153 p.).

Ce sont donc les autres enjeux liés à ces encombrantes structures industrielles qui sont en cause dans ce nouveau projet de règlement : enjeu de santé publique, lié aux émanations et déversements, enjeu de sécurité publique, lié à l’important volume du trafic de véhicules lourds nécessaire pour réaliser la production d’hydrocarbures, enjeu de la gestion des nuisances à la qualité de vie des résidents, tels ceux relatifs au bruit, aux odeurs, à la lumière, enjeu lié à l’aménagement du territoire, afin d’éviter les conflits d’usage, et à la planification du développement, enjeu lié à la préservation du paysage et du patrimoine bâti, etc.

Nous avons débuté l’examen critique de ce projet de règlement et nous présentons donc dans ce document quelques réflexions en lien avec les dispositions relatives aux distances séparatrices.

II.              Les distances séparatrices pour les levés géophysiques

Voici les distances séparatrices prévues dans ce projet de règlement (disposition reproduite en italique) et nos commentaires (insérés dans les boites qui suivent l’énoncé des règles et identifiés par MD (Marc Durand) et REL (Richard E. Langelier) :
 6. Le titulaire de permis de levé géophysique doit, lors de l’exécution d’un levé géophysique, éviter de placer la source d’énergie à une distance inférieure à:
1° 30 m d’un chemin de fer;
2° 10 m d’une borne d’arpentage;
3° 100 m d’un pipeline de surface ou 75 m d’un pipeline enfoui appartenant à un tiers;
4° 120 m d’un puits de pétrole ou de gaz naturel appartenant à un tiers;
5° 200 m d’un puits d’eau ou d’un aqueduc;
6° 200 m d’un bâtiment, d’une ligne à haute tension et d’un ouvrage souterrain;
7° 100 m d’un cimetière.
D. 1539-88, a. 6; D. 1381-2009, a. 6.

REL : Il est difficile de comprendre les raisons objectives qui justifient les disparités dans les distances séparatrices imposées. Comment calculer le 120 m d’un puits de pétrole qui dispose d’extensions horizontales ? Pourquoi est-ce plus dangereux de réaliser ces travaux près d’un aqueduc que d’un puits pétrolier (est imposée une distance supérieure de 20 m), d’un cimetière que d’un chemin de fer (est imposée une distance supérieure de 70 m) ?


III.            Les distances séparatrices pour les forages

Voici maintenant les distances séparatrices pour les forages gaziers et pétroliers. Les annotations Supprimé, Ajout, Remplacé Par, montrent les modifications que le gouvernement souhaite apporter aux dispositions actuelles du Règlement sur le pétrole, le gaz naturel et les réservoirs souterrains édicté pour l’application de la Loi sur les mines qui, jusqu’à maintenant, considère les hydrocarbures comme des minerais et régit leur exploration et leur production.
22. Le titulaire de permis de forage de puits ne peut forer un puits:

1° à moins de 100 m d’un chemin public au sens du Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2), d’un chemin de fer, d’un pipeline, d’une ligne électrique à haute tension de plus de 69 000 volts, (Supprimé : de toute habitation ou édifice public); toutefois, pour les fins d’un réservoir souterrain artificiel ou d’un forage dont la profondeur n’excède pas 15 m sous la couche de sédiments non consolidés, la distance peut varier de 50 à 100 m;

Remplacé : 2° à moins de 100 m des limites de la superficie de terrain visé par le permis de recherche ou le bail d’exploitation sur lequel s’effectue le forage d’un puits ou à moins de 400 m lorsque le puits est situé en territoire submergé;
Par : 2° à moins de 100 m d’un cimetière, d’un parc national ou d’une aire protégée;

3° sur terre, à moins de 100 m de la ligne des hautes eaux toutefois, pour les fins d’un réservoir souterrain artificiel ou d’un forage dont la profondeur n’excède pas 15 m sous la couche de sédiments non consolidés, la distance peut varier de 50 à 100 m;

Ajout : « 3.1° à moins de 160 m d’une éolienne, d’un pylône électrique ou d’une infrastructure de télécommunication;

Ajout : « 3.2° à moins de 180 m d’un barrage à forte contenance tel que défini à la Loi sur la sécurité des barrages (chapitre S-3.1.01);

Ajout : « 3.3° à moins de 500 m de toute habitation ou édifice;

Ajout : « 3.4° à moins de 600 m de part et d’autre de la zone de broyage de la faille de Jupiter située sur l’île d’Anticosti; »;

4° en territoire submergé, à moins de 1 000 m de la ligne des hautes eaux en milieu marin ou à moins de 400 m de la ligne des hautes eaux dans le fleuve Saint-Laurent;

5° à moins de 1 000 m d’un aéroport;

(paragraphe abrogé);

6.1° (paragraphe abrogé);

7° à moins de 1 600 m de tout réservoir souterrain existant à l’égard duquel il ne détient aucun droit.
Ajout : 8° dans une zone à risque de mouvement de terrain. ».

D. 1539-88, a. 22; D. 1081-90, a. 1; D. 1381-2009, a. 15; D. 700-2014, a. 1.

MD : Article 22 : distances séparatrices. Deux ajouts notables : « 3.3° à moins de 500 m de toute habitation ou édifice; 3.4° à moins de 600 m de part et d’autre de la zone de broyage de la faille de Jupiter située sur l’île d’Anticosti ».
La signification pratique de cette distance de 600 m par rapport à la faille Jupiter a été analysée dans le billet précédent et je prie le lecteur de s'y référer.

REL : Sur la question des distances séparatrices, plusieurs éléments peuvent être soulignés :
1.     Elles ne tiennent pas compte des forages horizontaux. En conséquence, elles ont donc peu de signification réelle et n’offrent aucune protection efficace.
2.    Elles ne visent manifestement pas la protection des sources d’eau potable qui, elles, sont supposément protégées par les normes édictées dans le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP).
3.    En regard des risques pour la santé, elles sont manifestement insuffisantes, eu égard aux nombreuses études publiées récemment qui montrent les risques élevés de vivre si près d’un forage gazier ou pétrolier.
4.  Elles sont aussi insuffisantes du point de vue des nuisances liées au bruit, à la forte luminosité, à la densité du trafic de véhicules lourds, etc.
5.     Elles sont aussi insuffisantes du point de vue de la protection du paysage et n’établissent aucune distinction en regard de paysages exceptionnels.
6.    Elles n’incluent aucune préoccupation ou règles en regard des schémas d’aménagement, des autres activités susceptibles de se déployer sur un territoire donné.
7.     N’étant pas intégrées avec celles prévues au RPEP, elles peuvent être source de confusion et de conflits. Par exemple, si une source d’eau potable se situe dans un parc national ou dans une aire protégée, quelle règle prévaudra ? Celle du 500 m du RPEP ou celle du 100 m du présent projet de règlement ?
8.    Elles privilégient la protection des intérêts économiques (par exemple distance minimale de 1 600 m d’un autre réservoir) à la protection des communautés, de l’environnement et des citoyens.
9.  Elles manquent parfois de précision (elles ne donnent aucune définition d’une zone à risque de mouvement de terrain) et seront donc d’une application difficile offrant, de ce fait, une faible protection.


 Conclusion

Une fois encore, ces distances séparatrices sont insuffisantes et ne permettent pas de protéger adéquatement la santé, la sécurité et la tranquillité des résidents et résidentes.  

De fait, des forages en plein quartier résidentiel, comme la compagnie Pétrolia en réalise actuellement dans le quartier Sandy Beach à Gaspé, seraient possibles en vertu du présent projet de règlement.

Ce projet de règlement met ainsi en place les conditions les plus favorables pour les titulaires de permis de forage et constitue donc une autre illustration de l’orientation fondamentale du gouvernement en faveur du déploiement de la filière pétrolière et gazière en territoire québécois.

Dans ce cadre, il est permis de conclure qu’un tel contexte réglementaire constitue une véritable promotion de cette filière et ne correspond absolument pas aux assurances données récemment par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, M. Pierre Arcand, à l’effet que le gouvernement ne ferait pas la part belle à ce type de développement.